poirebellehelene

... au caramel poivré

vendredi, janvier 19, 2007

Velasquez


7 heures, pluie et bourrasques sur le nord de la France : normal, c’est de saison. Vite, Eurostar m’attend. Yourostar. Je vais chez Velasquez, oui, plein nord vers Madrid. Je pars en voyage, un vrai voyage, police, carte d’identité…

J’ai 3 heures dans un fauteuil confortable pour faire connaissance avec la Famille Royale immortalisée par Velasquez : Philippe IV, l’arrière petit-fils de Charles Quint, le petit prince Baltasar Carlos, l’héritier, qui mourra à 16 ans, puis Philippe Prosper qui ne passera pas 4 ans, et puis la Reine, les Infantes. Ca y est je connais toute la famille. Je me suis mise en condition, j’ai suivi Velasquez de sa naissance à Séville à sa mort à Madrid, en passant par l’Italie. Mon cerveau est maintenant un terreau fertile où les 46 peintures exposées à la National Gallery pourront germer.

Londres, des Anglais partout. Trafalgar square : Nelson, en haut de sa tour, n’a pas encore été déboulonné, mais une surprenante statue lui tient compagnie sur la place : « Alison Lapper, enceinte ». Statue en marbre blanc d’une femme nue, handicapée, enceinte. Alison est une artiste engagée dans la cause des handicapés. La statue est là pour 18 mois. Quand on la descendra, le bébé marchera déjà.

Grande banderole rouge sur le fronton de la National Gallery : « Velàzquez ». Ils sont étonnants, ces anglais, eux qui ne connaissent pas les accents, ils gardent respectueusement celui de Velàzquez, et nous qui en avons de toutes sortes, nous l’en privons.

Avant de se repaître de Velasquez, il faut se restaurer : les anglais ont maintenant de vrais restaurants, et nous voici attablés devant un pain irlandais qui a un délicieux goût de pain d’épice, et un magret de canard au chou rouge assorti de petites cuisses de caille… si maintenant les anglais mangent les oiseaux, bientôt on les verra manger du cheval. Vin Merlot de Nouvelle Zélande. Pas de liège, le bouchon se visse, c’est normal aux antipodes, il n’y a là rien de péjoratif. Au diable les préjugés, le vin est bon. En dessert, fromage et pâte de coing, pourquoi pas ?

Velasquez, enfin ! 4 salles : la première, les œuvres de jeunesse à Séville, des scènes populaires, cabaret, cuisine, on y mange du poisson, des poivrons, de l’ail, des oignons rouges. Tout un chacun se pâme devant la vieille femme qui fait cuire des œufs… oui, oui , tout ça, c’est superbe, mais moi, ce qui m’attire, ce sont les autres salles, les portraits…

Je retrouve toute la famille. Philippe IV, grand, la peau très claire, le visage en longueur, moustache relevée à la Napoleon III, magnifique dans son riche costume royal, très altier. Un autre portrait de Philippe en chasseur, noble et fier. Et puis le petit prince, Baltasar Carlos, tout petit. Il ressemble tellement à son père, blond, pâle, dans sa robe verte dorée. Il a grandi, le voici à cheval, le cheval, immense, galope… ah qu’il est beau mon fils sur son cheval, dans son costume princier, le chapeau empanaché. Il est tout à son galop et tourne un instant la tête vers nous. Son regard nous va droit dans les yeux : je suis les traces de mon père, je galope, je chasse, plus tard je serai roi. En effet, le voici en chasseur, comme son père, les mêmes gants à manchettes, entouré de ses chiens.

Maintenant, l’enfant adoré, Baltasar est mort. Philippe est vieux, fatigué.

Le nouvel infant, Philippe Prosper a 2 ans, lui aussi, c’est le portrait de son père, mais plus que blond, si pâle. Il porte à la ceinture une amulette contre le mauvais oeil, une pierre contre les maladies, une clochette pour signaler sa présence… Le petit chien dans le fauteuil est joyeux, espiègle, il lui survivra sans aucun doute.

Les petites infantes sont magnifiques, pomponnées, dans leurs larges robes brodées, dorées, colorées, leurs coiffures-perruques ornées de bijoux, de papillons. La largeur de la coiffure est en proportion avec celle de la robe, selon le théorème de Thalès. Elle ont la santé, les infantes, Velasquez leur met du rose aux joues.

Velasquez peint aussi des amis, des courtisans, dans un style plus détendu, plus spontané, sans fignolage. Juste les traits de pinceau qu’il faut. Les sujets sont de trois quart et tournent la tête vers nous, de face, comme si nous étions l’objet de leur attention. On se sent considéré. Tous sont aussi sérieux que le Pape Innocent X. A l époque de Velasquez, il faut croire que le sourire n’a pas encore été inventé, encore moins le rire. Tous les portraits sont sérieux, voire sévères. Est-ce l’époque, ou les gens qui sont tristes ? Puisqu’ils nous regardent, c’est probablement nous qui ne sommes pas drôles.

L’affiche de l’exposition est « La toilette de Vénus », une femme nue, de dos, se regarde dans un miroir… un peu plus de rondeurs, et ce pourrait être du Rubens ! j’aurais préféré une affiche du petit Baltasar à cheval… tant pis pour moi !

Yourostar again, en une journée : Paris-Londres-Madrid-Rome-Madrid-Londres-Paris. Jules Verne, ça t’en bouche un coin !

4 Comments:

  • At 22:03, Anonymous Anonyme said…

    Poirebellehelene a-t-elle chaussé ses lunettes rouges ?
    A quand la critique d'art en alexandrins ?

     
  • At 20:41, Blogger poirebellehelene said…

    Les alexandrins, c'est impérial, nous sommes ici chez des rois...nuance.
    Quant aux lunettes, j'ai évité de les chausser, je leur ai préféré des bottines toute neuves, rouges, bien sûr!

     
  • At 23:32, Anonymous Anonyme said…

    Manque juste un petit lien vers une ou deux peintures de Velasquez...

     
  • At 17:26, Blogger poirebellehelene said…

    merci, marcelo

     

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