poirebellehelene

... au caramel poivré

dimanche, mars 30, 2008

Troilus et Cressida


Homère, Shakespeare, Declan Donnellan, Poirebellehelene…

J’ai payé ma place, je me suis assise, j’ai regardé, écouté, le spectacle est à moi, je lui donne mon sens propre.

Les Troyens sont à l’abri dans leurs murs, unis dans la cohésion de leur vie de famille
La Famille est leur raison de vivre, la famille chaleureuse, Hécube, Priam et leurs enfants, tous attachants, même Paris que ses frères entourent sans le blâmer, Paris qui a causé ce carnage !! Quelle tendresse pour Cassandre… la pauvre, elle est malade !!
Dans leurs Tours d’ivoire, ils sont naïfs, ils ont le culte de la beauté, de la beauté d’Hélène qui fait tout oublier…même si sa beauté est platonique, plate, photographique.
Hector est le fils parfait : grand, de la prestance, il se bat fièrement, méthodiquement, il le faut, c’est beau de se battre, mais sans haine : c’est son rôle, ses vertus : le courage et l’honneur, il est noble et généreux. Directement issu d’une école chrétienne, la culpabilité en moins, le Nazaréen ne l’a pas encore inventée. Et bon père de famille avec ça, il trouve le temps de féconder Andromaque, il faut une descendance.
Enée, la voix de la sagesse, de la raison. Et Troilus, le petit dernier, ses émois enfantins… non, il est trop jeune pour se battre, pour risquer sa vie, protégeons le. Il a l’âge des amourettes ou du grand amour, et la séduction est là : Cressida !! aussi ronde et chaude qu’Hélène est plate et froide. L’amour et la séduction se moquent du siège de la ville par les Grecs.

Les Grecs campent sous les murs de Troie depuis plusieurs mois : vie de campement, sans autre repère que les combats. Plus de vie de famille, la guerre est leur unique raison de vivre. Ils en deviennent bêtes et méchants, cruels. Leurs valeurs sont la force, la ruse.
Ulysse n’est que stratégie, Achille n’est que colère et jalousie.
Plus rien de féminin dans leur entourage, ils en sont réduits à faire des femmes avec des hommes: Thersite et Patrocle.
Ils sont en noir, plus de lumière dans leur vie. Insensibles au soleil du regard de l’autre, aucune femme ne peut les séduire. Ils sont devenus « inséductibles »
Si Cressida trahit Troilus, c’est qu’elle ne peut séduire Diomède. Il n’a pas de regard pour elle en temps que sujet, elle ne peut être qu’objet. Elle n’est plus que l’écharpe blanche que Diomède arborera demain au combat. Diomède séduit, elle serait restée fidèle à Troilus.

Le temps s’est arrêté, interlude, arrêt sur image, Hector a vaincu Ajax mais lui laisse la vie sauve….non, je n’y crois pas ! Quelle empathie suicidaire ! Hector n’a pas le courage de passer à l’acte ! Hector naïf et généreux sourit et tend la main à ses ennemis, festoie avec les grecs cruels et rusés, le temps d’une chanson, le temps d’une danse…

Hector face à son Destin, non, on n’en fait pas deux des Hector !! Il le connaît si bien, son Destin, Cassandre le lui rabâche sans cesse !!
Au point que le Destin en personne se présente régulièrement à Hector, il a pitié de lui, le prend en affection : ne fais pas l’idiot, Hecto, sors toi de là, comme on dit :« un moment de vergogne est bien vite passé ! » juste un petit brin de déshonneur et vous êtes saufs, toi et tous les Troyens !!
Mais non, on n’échappe pas à son Destin, ce n’est pas bien, et lui, Hector, il fait tout bien :
- Oui, tu as raison, il faut renvoyer Hélène… mais tu renonces, on garde Hélène !
- Ajax est à ta merci, la mort du Grec en combat singulier met fin à la guerre… mais tu épargnes Ajax et lui laisse la vie sauve !
- Cassandre, tu sais bien qu’elle n’est pas folle… mais, ton honneur !

Faux pas de la fin, nul n’est parfait, même pas Declan Donnellan : tout le spectacle est intemporel, suspendu dans le temps, c’est du Shakespeare, les transports de l’âme traversent les siècles, inchangés, mêmes émotions, même ressorts…
…. et voici des soldats affublés de masques à gaz qui nous plaquent dans une réalité politico-temporo-spatiale bien définie !!
Nous voici plaqués au sol dans une flaque de pétrole !Dommage!

samedi, mars 15, 2008

Le modèle est en plâtre

Le modèle est en plâtre.
Jour de pudeur, sans doute, pas de modèle en vue.
Du haut de l’Olympe, Jupiter dans son courroux a changé Venus en plâtre.
Dans sa colère, il lui a coupé la tête, les bras et les jambes, ne lui laissant que des moignons à face lunaire.
Devant un tel carnage, Hercule Poirot en personne resterait dans la perplexité.
Ainsi figée, la pauvre chérie n’a pu s’abriter des intempéries, il faut voir comme elle a souffert, souillée, écorchée, presque taggée.
Elle garde son petit air penché, légèrement déhanchée : cherchait elle à cueillir une fleur, arrosait-elle ses plates-bandes, faisait-elle le dos rond pour esquiver des coups ?

Noir, mon crayon s’interroge tristement sur la feuille.