poirebellehelene

... au caramel poivré

samedi, décembre 30, 2006

Panade

Camps-la-Source est un petit village alpin. On peut dire Campsse, ou Canlasource, Quandlasource ou autre fantaisie, on a le choixe, ou le choit, ou même le chouahhh. En effet, il y a deux boulangers, et l’on peut également choisir où acheter son pain. Vous pouvez même acheter un gâteau à la boulangerie de votre choix…. si tel est votre choix. C’est un petit village libre. Libréheureux.

En ces jours d’hiver, à l’aube, la campagne y est saupoudrée de gelée blanche. Mais soudain, un soleil, de ceux que l’on peut voir par ici, explose le ciel tout bleu. La gelée devient rosée poreuse, puis fine brume qui monte du sol, et soudain… il fait chaud !! mais, prudence, tôt dans l’après midi, pftt ! ce soleil vous fausse compagnie et laisse le froid fondre sur vous, et alors, il peut faire plus froid même qu’à Poitiers : à vos feux de cheminée !!

A Campsse, il y a deux boulangers : celui qui est à côté de la Mairie, et l’autre. Au stade « rosée poreuse », je me mets en route, en quête de pain : « un pain à la châtaigne, et un autre, n’importe lequel ». J’avise une fillette en couettes et lui demande de m’indiquer la boulangerie de la Mairie : « elle est fermée ». Sans la laisser poursuivre, lui refermant la bouche sur les postillons, un passant tourneboulé, soucieux autant qu’indigné, agitant une mèche grise incrédule, confirme que la boulangerie de la Mairie est normalement fermée, et que l’autre, inutile de me l’indiquer, car elle est anormalement fermée…

Je pense d’abord qu’il est arrivé un grand bonheur à la femme du boulanger, et je m’en réjouis pour elle… mais non, le boulanger et la boulangère ont de concert pris leur bonheur à leur cou, laissant le village dans la panade.
Il y a aujourd’hui à Campsse, une Mairie sans Maire ni mariage, une Ecole fermée pour vacances, un Clocher souligné d’un squelette en néon, des sapins de Noël derrière les vitres, mais pas de pain dans le village alpin. Le village est en panne de pain.

J’ai bien pensé rapporter une poignée de pommes de pin, mais, sans poudre de perlinpinpin….je ne suis pas magicien. Je suis simplement remontée clopin-clopant, sous le soleil devenu chaud, porter aux copains la triste nouvelle du village sans pain.

Il faut s‘entraider dans l’adversité : le boulanger de Brignoles consentit fort heureusement à dépanner le village empanadé…

lundi, décembre 25, 2006

Lieu de passage

Poitiers, seuil du Poitou, lieu de passage...
En témoignent les strates: Dolmen, Aqueduc romain, Hypogée mérovingienne, Eglises romanes, gothiques, Préfecture républicaine, Futuroscope...
Lieu de passage où l'on croise, grâce au TGV, des gens venus de partout: de Gênes, de Nice, de Montpellier, d'Oman, du Viet-Nam... j'y ai même croisé, pas plus tard qu'hier, le Père Noël!!
C'est même parfois un passage obligé: pour aller de Paris à la Cataracte, il faut passer par Poitiers, ses PIC, ses DVE, ses DVP, ses volets... là, ça devient difficile à comprendre, mais à force de passer et de repasser, les fils de l'écheveau s'embrouillent...

Passons aux choses sérieuses. Voici quelques propositions:

Il a blanc-gelé dans la campagne poitevine la veille de Noël
La gare de Poitiers est certifiée
Le Centre Commercial de la vieille ville s'appelle "les Cordeliers"
C'est des "Dunes" que l'on a la plus belle vue sur Poitiers
Sainte Radegonde, épouse de Clovis, se retira à Poitiers et fonda l'Ordre des "Ragondines"
On peut voir une statue de Jeanne d'Arc dans le jardin du Palais de Justice
On peut faire ses courses au Géant Casino sur la Rocade
La rivière qui passe sous le Pont-Neuf se nomme "le Clain"
En hiver, il y a une patinoire devant l'Hôtel de Ville
A Poitiers, on peut voir le seul chat au monde amputé de sa queue pour cause d'arthrose nouante des vertèbres (de sa queue)
Le "broyé du Poitou" est un délicieux petit sablé pur beurre
Pierre Loti vient de Rochefort (comme "les Demoiselles")
Une mère berlinoise et un père afghan peuvent avoir une fille italienne

QUIZZ: une de ces propositions est fausse.
Laquelle?

jeudi, décembre 21, 2006

Hiver

L’hiver est à la porte, gonflé de ses bourrasques. Les pommes de pin gisent sur le sol, massacrées. Dans les branches, les rescapées tremblent, s’agitent. Valse dérisoire des feuilles mortes toutes chiffonnées, informes;
L’hiver est à la porte, il est passé par les fenêtres, on frissonne sous les couettes. Faut s’y faire, c’est l’hiver, il est là pour au moins trois mois.
Fini les petits arbres rouges poético primaires à la Lucie Delarue Mardrus. Encore quelques vagues branchages dorés, mais les arbres sont nus. On voit tout ce qui s’y passe, les écureuils ne peuvent plus se cacher, ils traversent à découvert, de branche à branche, d’un arbre à un autre. Les conifères, toutes aiguilles dehors, ont fière allure au milieu de ce désastre. Fatigués malgré tout : en voilà un qui s’accoude, sa branche s’appuie rondement sur le sol.
Les pies sont bien gauches avec leur longue queue bicolore, elles se prendraient bientôt pour des paons.. Les corneilles hitchcockiennes dandinent leur ventre noir sur la prairie verte labourée par des sportifs à ballon.
Un arbuste réussit à afficher des fleurs blanches : où les a-t-il volées ?
Le jet d’eau, indifférent, fuse bêtement vers les nuages gorgés de pluie, puis s’écrase bruyamment dans le bassin. Il se croit malin. C’est trop bête, un jet d’eau. Grande gueule.

samedi, décembre 16, 2006

Ballade "Au Point"

Au commencement fut le Point,
Il s’ennuya, tournait en rond,
Il en devenait tout brownien,
Il lui fallait des compagnons.
Dieu fut sensible à sa douleur :
Créa la Courbe, quel bonheur !


C’était le Paradis, la Nature Dansait…


Mais l’Homme, oh qu’il fut maladroit!
De la courbe aussi se lassa.
Ignorant son bonheur, il osa
Dans sa folie voler deux points
Suffisants pour faire une droite :
Sont nécessaires deux au moins


C’était le Paradis, l ‘Homme en fut chassé…


Enfin naquit Euclide, le fourbe,
Prit la droite, brava la nature..
Affront aux naturelles courbes,
Nous inventa les parallèles….
Se rencontrer jamais ne purent
En leur solitude éternelle


Et prospéra la Géométrie, cette Imposture


Fini le Paradis où dansent les rivières,
Les planètes y sont rondes, tout comme notre Terre.
La Droite est dans la ronde, instaure la Rupture
C’est la fin des rondeurs, voici la Quadrature


Les Arts sont le sanctuaire des courbes de ce monde.

lundi, décembre 11, 2006

t'huit ans

La voiture est garée, emplacement « livraison »
Voilà la poitevine, entrons donc de concert
Ses bras sont bien chargés, je sonne à l’interphone
Un vélo à l’étage, le juriste est donc là
La porte qui s’ouvre, journaliste en chaussettes
« Eh oui, je suis bien Poire », bisous, bisous, bisous
Une pile de livres, l’éditrice est assise :
Tout ça pour les enfants…ils en ont de la chance !
« Augustine » est en vert, sa couverture est douce
Et pour les plus petits, en voici d’autres encore…
Me voilà donc assise, au bord du canapé,
à feuilleter les livres. Cependant Nabuco
sur l’écran nous enchante. Là bas, dans le bureau,
Le juriste à l’ordi : match de rugby ou foot ?
Nous attendons la psy, là voilà rayonnante
dans ses plus beaux atours. Elle se gratte la tête :
concentration extrême… pas de parasitose !
Blabass, il en manque deux, en vacances lointaines..

La table vient du Maroc, posons les verres à pied
Le vin a voyagé, il arrive du Chili,
velours pour le palais. Le cake est bien au thon.
Là haut sur le buffet, des assiettes sont posées
assiettes empilées, prêtes pour le jeté
le mur est en attente, les espère toujours
assiettes antiques, héritage familial.
Statuette africaine, figurine en ivoire,
Leur tiennent compagnie, sagement alignées.
Nous sommes tous les six, on peut passer à table
Où trônent des tulipes, pétales ciselés,
leurs couleurs chaleureuses, se dressent dans le vase
La nappe verte et ocre, faisons bien attention
De n’y rien renverser : sous elle, la table est nue

Assiette composée, tartare de saumon
Les tomates cerise, l’aneth itou itou
Vin du Chili toujours. Golfette est silencieuse
sa sœur est volubile, ça fait une moyenne.
Et les blancs de poulet, mijotés au curry,
A la sauce dorée, aux amandes effilées,
régalent nos palais. Grand merci Mangeclous !
Et puis voici le riz, et sa sauce à la menthe.
Nous voici rassasiés : c’est la pause nicotine.
Les fumeuses au balcon : la lune est chaleureuse,
bronzée par le couchant, sous un béret de brume.

Le gâteau, les bougies : il est temps maintenant
D’entonner le cantique. Faut-il vraiment souffler…
Rituel sorcier ?? D’un seul souffle d’un seul,
les 5( ?) bougies éteintes… panache de fumée…
les dieux sont avec moi ,le diable peut s’en aller.
5 bougies, 2 gâteaux, tout ça pour mes t’huit ans.
Premier gâteau citron, serti par un ruban
Adouci par le sucre, panaché de meringue
Deuxième gâteau moelleux, aux noisettes crémeuses
bûche, c’est la saison, bien vite consumée.
Et voici des socquettes, car la Poire est sportive
Et encore un collier, pour une Poire élégante
Et des fleurs et des fleurs, pour le plaisir des yeux.

Yehudi Menuhin a repris on violon
Oui, c’était un prodige. Sa sœur est au piano,
Il charme la soirée, berce notre bien-être…
Et voilà qu’il s’annonce… c’est le marchand de sable !
Il est temps de rentrer, mettons nous donc en route,
Le Droit sur son vélo, les autres en auto
La nuit noire est mouillée, direction lit douillet
La place est libérée, pour que demain on livre…

dimanche, décembre 03, 2006

Jogging

Autrefois, je joggais. Il fut un temps où j’eus joggé. J’étais dans le vent. Je sacrifiais à la mode, et c’était vraiment un sacrifice : qu’avais-je donc à expier ? Je faisais ma ronde en soufrrance : le tour du parc. Je n’ai jamais réussi à aimer le jogging. Je pensais au moins m’habituer, mais ça n’a pas marché .
.. Alors maintenant, je marche. Je fais mon tour en marchant. J’observe les joggers sans envie, sans regret. J’ai beaucoup d’estime pour eux.

Pourtant, j’en ai fait des efforts. Je m’étais équipée de chaussures spéciales jogging, « Nike », plus légères que leur ombre, des chaussures qui donnaient des ailes… je souffrais toujours, au mieux 40 mn sur ma montre.
Je partais avec, sur le dos, une pelure que j’enlevais en courant, sans m’arrêter (car là, c’était fatal) et que je nouais autour de ma taille quand je commençais à suffoquer de chaleur.
Je m’ennuyais en souffrant, je souffrais en m’ennuyant. Je sentais douloureusement dans mes jambes et dans mes poumons le moindre dénivelé.
Je voyais avec dépit des groupes de 2 ou3 joggers me croiser 2 fois, en devisant gaiement et sans effort, alors que je finissais mon unique tour quasiment en rampant.

Rentrée à la maison, je n’avais même pas la satisfaction du devoir accompli, simplement « ça fait du bien quand ça s’arrête ». J’avais le visage écarlate, ruisselant, les yeux prêts à exploser, les poumons à s’envoler et le coeur à se décrocher. Sacré cœur ! Mes jambes, un moment inertes, ne me portaient plus.

Donc, je marche, tranquille, sans rupture, régulièrement. La marche, c’est la maturité dans le jogging. Le coureur de Marathon était un grec, mais je suis sûre que nombre de philosophes grecs cautionneraient mon passage à la marche…qui est une avancée, une évolution, tout autant que le jogging.
Les latins, aussi, disaient « festina lente », c’est-à-dire : « hâte toi lentement ».
Et puis les Italiens « qui va piano va sano ».
Et chez nous, Rabelais : « fais ce que voudras ».
Mais je préfère me référer à la philosophie grecque, et me dire que je marche sur le chemin de la « souveraine sagesse » : pour être poire, je n’en suis pas moins bellehelene. Grecque je me reVan Dyck…

Qu’est-ce qu’il vient faire ici, celui là, ? Ah ! je comprends, il se dit que je vais faire des portraits de joggers et il me propose ses services…. Nous n’en sommes pas là… une autre semaine peut-être, Monsieur Van Dyck…Repos.