poirebellehelene

... au caramel poivré

mercredi, août 02, 2006

paso doble

Il parait que ma prose récente sur Avignon était misérable, faisait pitié, bref, que je pouvais fermer mon blog et mettre la souris sous le paillasson...

Amis du Théâtre, bonjour, je reprends malgré tout ma plume avignonesque pour parler du "in", mais là, j'ai bien peur de me faire envoyer des tomates....

Avignon, ce n'est pas que le off, ce n'est pas que l'avenue de la République et la Place de l'Horloge, les langues tirées et les dégoulis de glaces sur les cornets, les canettes de cocas toutes variétés, les soldes, des centaines de chaussures et de vêtements qui voltigent dans l'enceinte de la Ville des Papes, les tailles basses, les dos nus, les pieds nus, les visages en sueur, les bouteilles d'eau, les distributeurs d'euros... c'est aussi le "IN", Jean Vilar, Gerard Philipe, frères et successeurs....

C'est dans la Cour du Cloître Saint Louis que tout se décide, quand les pages glacées du programme vont s'animer, quand des noms (parfois barbaresques) prendront vie aux conférences de presse.
La queue à 11heures pour acheter des billets: il faut prendre un numero d'ordre, comme à la sécu ou la sncf. Festivalière selon Panurge, je cherche des places pour ce que tout le monde s'arrache... Sachant que j'élimine par principe les spectacles qui durent plus de 3 heures, même si on les dit "gé-ni-aux" (dormir sur les gradins de la Cour d'Honneur du Palais des Papes, j'ai déjà vu), le butin est maigre.
Je n'ai donc pas réussi à voir "Paso Doble", le spectacle de Josef Nadj que tout Avignon a "a-dooré". Toutes les représentations archi complètes, un succès tel que des séances supplémentaires ont été programmées: immédiatement complètes, la video du spectacle a donc été livrée en pâture au public frustré.
Ceux qui ont eu le bonheur de voir le spectacle "live" ont avoué "n'avoir jamais rien vu d'aussi beau", "bouleversant", "un moment d'émotion extrême"...

Je me suis donc hâtée vers un petit réduit obscur, où, assise par terre sur un maigre coussin, les fesses en souffrance, je me suis fait servir la video de "paso doble".
Comment qualifier ce spectacle: danse? théâtre? musique? ni paroles, ni musique, ni danse: des sons et des mouvements que l'on regarde attentivement. Je retiendrai donc le terme générique de"spectacle", ou encore divertissement, car il retient l'attention.
Comique ou dramatique? là encore, perplexité. Je réserve mon choix.

J'intitulerais ce spectacle: "Atelier terre glaise pour couple en costard noir par temps variable"
Voici ce que ma mémoire a retenu:
Gros plan sur un mur en argile. Coups sourds qui creusent des cratères. La façade du mur évoque la surface de la lune. Entrent deux hommes en costume noir: Josef Nadj et son complice espagnol qui l'a initié à l'argile. Costume noir impec pour jouer (ou travailler?) dans la terre.. Chaussures neuves, gros plan sur les traces qu'elles laissent dans l'argile meuble.
Première étape: hommes préhistoriques en costume? graffitis sur le mur, dessins rupestres..
ou enfants sur la plage? ils creusent des sillons, font des patés...
Deuxième étape: voilà qu'on leur tend des sortes d'amphores en argile tendre, une, puis une autre, encore et encore... ils semblent s'amuser comme des fous, se les collent sur la tête, les malaxent, en font des masques, des têtes d'animaux, leur creusent des yeux, leur gonflent des museaux, des cornes.... les costumes sont en piteux état, il n'y a là plus rien d'humain.
Le rythme s'emballe, le jeu devient violent, le mâle dominant tabasse son compère à coups de vase d'argile sur le crâne, jusqu'à ce qu'il s'affaisse, puis s'effondre, anéanti, à moitié enfoui dans le mur de glaise, tant pis pour le beau costume.
Troisième étape: L'homme qui est resté debout se saisit d'un tuyau d'arrosage et envoie un énorme jet d'eau surpuissant. Les coups sourds font place au bruit de l'eau projetée avec force sur le mur travaillé et l'homme en costume qui y est enfoui. Seul, le dos de son costume émerge, tout mouillé et glaiseux, jaunâtre.Toute trace de création est effacée, mais sous le veston cloqué, l'homme respire, son coeur bat.
Quatrième étape: après le déluge, silence. En raclant le veston terreux, voici le tissu noir du costume qui réapparait. Reprise en mains des outils, remise au travail: mettront-ils à jour leur travail d'antan, ou leur création a-t-elle totalement péri dans le déluge?
Dernière étape: les deux hommes disparaissent en plongeant à travers le mur d'argile par un trou à leur taille et qui se referme derrière eux. Comme s'ils naissaient. Le mur reprend progressivement son aspect lisse, muet et silencieux.

A décrire toutes ces étapes, j'ai la sensation de vous livrer ma recette du chili con carne qui passe par le même nombre d'étapes. Mais quelle est la recette de ce spectacle, pourquoi chatouille-t-il délicieusement les papilles du public qui en redemande...
Quel charme, quelle vertu a-t-il donc? Est-ce dans le retour aux origines, le retour au primitif, à l'époque anté-diluvienne, ou même plus loin, aux temps lointains où Dieu n'avait pas encore créé la Femme (paso doble à 2 hommes...)
Peut-être.... à l'heure du retour en arrière, où l'on est délicieusement malade de la médecine par les plantes, où les menus gastronomiques sont délaissés pour des carottes râpées bio, une autre alternative serait le retour à l'enfance, jouer avec de la pâte à modeler, faire des pâtés dans le sable.... L'homme en costume 21° siècle, le portable dans la poche, trouve génial de retomber en enfance! Notre Culture est un colosse aux pieds d'argile: le colosse a péri le 11 septembre, il nous reste l'argile, profitons-en...

Les spectateurs retiennent leur souffle, ils sortent à la lumière du soleil d'Avignon, éblouis, émerveillés, bouleversés par ce spectacle renversant, superlatif.
Moi, je reste sceptique, juste sceptique, favorablement sceptique... Le soleil d'Avignon s'est plaqué sur ma gueule sceptique... Je me suis fait regarder d'un pauvre air, je vois que je faisais pitié, je me suis sentie misérable, et je me suis demandé si j'étais encore digne d'aller au Festival d'Avignon.

boul'mich

Il fut un temps où le Boulevard Saint Michel s'appelait le "boul'mich". C'était avant Mai 1968. Les étudiants étaient alors très sérieux. On descendait ou on remontait le "mich", mais toujours du bon côté. Quand on disait: "j'ai vu untel, il remontait le boul'mich du côté des cocus", c'était de mauvais augure, ce "untel" allait mal, pour sûr.
Le boul'mich était, on le voit, toujours en mouvement, c'était un lieu de passage, on n'y stationnait pas. Il n'y avait d'ailleurs pas matière à stationner ou à faire du lèche vitrine. Je me souviens toutefois qu'en haut, on pouvait regarder les vitrines de Salamander, mais les chaussures y étaient si chères...
Le boul'mich était à lui seul le Quartier Latin; ses arbres étaient bien rangés, aucun n'avait brûlé ou péri. En haut, le metro Luxembourg sans escalators, mais avec son jardin et sa chaisière. Il était possible d'aller s'y asseoir. Bien sûr, on aurait pu remonter aux sources, jusqu'à Port-Royal et au Bullier, mais en général, on prenait la direction de la Seine. La rue Gay Lussac à droite, puis le Maheu et le Capoulade se faisant face à l'angle de la rue du Pantheon, face au café du Luxembourg.
On se posait, d'aventure, Place de la Sorbonne, par exemple pour prendre un café dans un café, en attendant Godot (c'était toujours un café, je n'aimais pas ça, mais au café, on doit prendre un café, pas un ballon de limonade). C'était un lieu de rendez-vous. On pouvait aussi s'engouffrer dans la rue Champollion où l'on passait "Helzapoppin".
La Source n'était pas encore un fast-food. Moi, je laissais la rue des Ecoles à droite, et je bifurquais en principe à gauche, vers la rue de l'Ecole de Médecine, l'Ancienne Fac et en face, l'Ecole Pratique. On y entendait parfois des cris d'animaux (de laboratoire?). Au passage, une patissserie Viennoise où je n'ai jamais rien acheté. Peut-être n'étais-je pas encore gourmande????
Mais on pouvait aussi continuer à descendre le Boulevard, croiser le Boulevard Saint Germain, son compère, laissant à gauche le bel immeuble du Crédit Lyonnais, à droite, des ruines intrigantes, et rejoindre la Seine, devant la Fontaine Saint Michel.
Savez vous que le boulevard Saint Michel a failli être prolongé jusqu'à la mer?
Radio Nostalgie vous souhaite le bonsoir...

mardi, août 01, 2006

avignon

L'été, c'est cool, malgré la chaleur, malgré tout et tout, et tout... le temps parait suspendu.
Mes cheveux argentés me plaisent de plus en plus: dans la lumière, je brille comme un sou neuf, je suis peut-être même fluo la nuit.
Bourges, c'était une autre planète, Avignon reste pour moi la planète enchantée. Des centaines de spectacles à choisir avec tact et à consommer avec modération, c'est tout un art. Eviter les dizaines de spectacles qui puisent dans la vulgarité pour tenter d'être drôle. Essayer de dénicher la subtilité et l'humour. Les spectacles musicaux, ça passe en général toujours, ça passe.... mais l'original, l'imprévu, les trouvailles qui surprennent, c'est beaucoup plus rare.
J'ai aimé, comme toujours, les spectacles de Commedia dell arte:
La Princesse d'Elide (Comédiens et cie)
La Princesse folle (Viva la Commedia)
Deux spectacles pleins d'humour:
Le Cirque des Mirages (Yanowski et Parker): chansons dans un délire tambour battant
Laura Herts, dans le geste et le mime (arrière petite nièce des Marx brothers, cela situe le personnage..)
Acide Lyrique, parodie musicale sur répertoire d'opéra classique, mais aussi moderne.
J'allais oublier "une laborieuse entreprise", pièce d'Hanoch Levin, d'un pessimisme qui prend au ventre, mais tellement vraie
Et j'oubliais carrément une adaptation du "rhinocéros" de Ionesco, qui fait froid dans le dos..
Ces spectacles prennent toute leur saveur agités et figés un moment dans le kaleïdoscope d'Avignon, irréels, ponctuels, suspendus, vrai régal d'un autre monde, paradis artificiel, peut-être?
Beaucoup de hasard, qui fait qu'on finit par voir tel spectacle et pas tel autre, mais le bilan reste "jubilatoire", c'est le terme branché. Je fais le plein pour l'année.