poirebellehelene

... au caramel poivré

samedi, octobre 27, 2007

Sauf conduit

Il m’arrive, dans un moment de détente, de sentir une goutte de salive prendre délibérément le chemin du conduit qui respire. Mon courant salivaire se rebelle et sort de son lit !!
Rien de bien méchant, pas besoin d’alerter la SAMU, un petit raclement de gorge et la salive importune est remise dans le droit chemin.
Il peut aussi m’arriver, lorsque je déguste du Champagne, que les bulles choisissent le trou qui respire, et le liquide, le trou qui boit : là, l’erreur est plausible.

Oh, tout cela n’est pas bien grave, une petite larme déposée sur la margelle du larynx, prête à rouler dans la trachée….mais c’est un acte de négligence voire de rébellion, et pour le principe, je dois sortir de ma détente apathique et réagir.

A vrai dire, ces discrètes fausses routes, s’écartant des bonnes conduites, mettent un peu de piment dans le carrefour… Pour éviter toute condamnation abusive pour mauvaises pratiques, retrait de points etc, hésitant à offrir un GPS à mes glandes salivaires, j’ai opté pour le "sauf-conduit"
Ma salive n’ayant aucune relation diplomatique avec la trachée, son ennemi héréditaire, je l’autorise donc par « sauf-conduit » à aller régulièrement en touriste y déposer délicatement une petite larme…. Mais rien qu’une larme, sinon vas-y, tousse, trachée !

mercredi, octobre 17, 2007

Materner sa mère

10h30, sa chambre, dans la maison de retraite.
« Quelqu’un, quelqu’un… » Elle appelle en criant d’une voix forte.
98ans, elle est étendue sur son lit, toute habillée, jambes et pieds nus sous une couverture rouge :
« On ne m’a pas déshabillée hier soir, on ne m’a pas donné à manger ce matin, on ne m’a pas apporté le plateau…
Il n’y a qu’une seule solution, m’enlever d’ici, je vous en supplie, faites une bonne action, faites un sacrifice, emmenez moi chez vous ! Vous ne savez pas ce que je souffre ici, je souffre le martyre, personne ne souffre comme moi, nahbibaisk, je vous en supplie, enlevez moi d’ici !! J’ai 5 enfants et pourtant je suis là… » Elle pleure.
Un gros hématome au front, une main violacée et le médius enflé : elle est tombée il y a 3 jours. Mais c’est du dos dont elle se plaint, elle gémit quand on tente de l’asseoir, de la lever.
C’est dimanche, l’aide soignante est introuvable. Enfin !!
« Elle a refusé de se laisser déshabiller hier soir et de manger ce matin. D’habitude, elle est vaillante, mais depuis sa chute… »
Elle lui enfile ses bas et ses chaussures, et péniblement, à trois, on arrive à l’asseoir sur le fauteuil roulant dans les cris et les gémissements.
Elle a vraiment faim, elle avale coup sur coup 3 des petits macarons qu’on lui a apportés.
Elle tousse, elle réclame son dentier qui baigne sagement au fond de sa boite, dans un liquide bleuté, sur le bord du lavabo. Le dentier s’est laissé mettre en tenue nuit.
« Il vaut mieux mourir tant que vous êtes là »
Un petit coup de peigne, le châle, « où est mon sac ? »
On pousse le fauteuil roulant jusque dans le jardin. Elle réclame un coussin dans son dos.
Il fait un beau soleil, ciel sans nuages, des petits lapins dans leur enclos, de belles allées, de beaux arbres.
On rentre car elle a froid.
Un gobelet de chocolat chaud du distributeur : elle le boit lentement, par petites gorgées, mais avec un plaisir manifeste.
Nous l’installons dans son fauteuil roulant à la table où le couvert est mis en attente du repas de midi.
La télévision distille la grand’ messe, et puis voici Nagui, mais elle ne voit pas suffisamment, elle n’entend guère, elle ne réalise même pas que la télé est allumée. Il faut tout lui dire dans le tuyau de l’oreille.
Elle me tient la main, elle me dit que j’ai froid, elle paraît plus sereine, elle somnole.
5 autres pensionnaires autour de la table, discutons à sa place…elle n’entend rien, mais voit qu’on parle et veut savoir ce qui se passe.
« Qu’est-ce que vous dites ? »
« On dit que la France a perdu le match de rugby… »
Voici la soupe. Elle aime la soupe, je lui approche la cuillère de la bouche :
« S’il n’y pas de pain, ce n’est pas la peine ! »
Je mets des morceaux de pain dans le bol, des « poissons » qu’elle mange lentement, avec de petites fausses routes qui la font tousser, et des va-et-vient de dentier. Le bol reste à moitié plein.
Puis les petits pois et de l’omelette, quelques bouchées, le yaourt une cuillérée.
Banane ou clémentine ? elle choisit la banane. Je l’écrase : deux bouchées.
Tout est petit, tout est lent. Quand elle n’en veut plus, elle repousse de la main, inutile d’insister.
Il est temps de partir. Je dégage ma main, elle la retient : « vous n’allez pas partir ?? »

Elle crie nos noms alors que nous nous dirigeons vers la sortie.

dimanche, octobre 07, 2007

J'aime les vieux

J’aime les vieux.
« Une escapade à Honfleur » avec le troisième âge…
Quoi, tu vas faire ça ?
Oui, c’est moi qui l’ai fait !!
J’aime les vieux… et Monsieur le Maire aussi, faut voir comme il les gâte !!
Départ en car à 6 heures du mat, 6 cars…
Les têtes dépassent des sièges… il y a des cheveux tout blancs, mais beaucoup de « poivre et sel », et d’ailleurs beaucoup plus de poivre que de sel. Je suis bien dans mon créneau.
Il faut dire que ce sont des seniors, des retraités, pas vraiment le troisième âge, pas de mamies à la peau fripée toute douce…
Non, le troisième âge a passé l’âge des promenades en car : quand on n’y voit plus, qu’on n’entend plus, qu’on a du mal à bouger, qu’on a des problèmes de pipi caca…
Non, dans ce car, quelques zinzins dans le oreilles, quelques cannes, plutôt des démarches raides ou ralenties : les seniors sont valides, les stents et autres prothèses sont bien camouflées.
A l’avant du car, 2 nounous, 2 chauffeurs, et un conseiller municipal.
Petit déjeuner dans un superbe manoir. Descente du car, abord prudent des petites marches, 4 bras au moins dehors pour éviter ou amortir l’éventuelle chute.
Grande salle voûtée, poutres apparentes, feu de bois dans une immense cheminée, queue aux toilettes.
Le Senior est Senior de novo : dans sa conversation, courtoise, basique, rien ne laisse entrevoir une vie antérieure, c’est payé, oublié, balayé…rien ne filtre d’un éventuel passé : le Senior est opaque. Les couples sont soudés, les femmes seules s’apparient.
Voici Honfleur, son vieux port, sa brume matinale.
Face à l’Eglise Sainte Catherine, « fin du moyen âge, toute en bois, le toit de la nef en forme de 2 coques de bateau renversées », les Seniors dégustent, dans un local prévu à cet effet, Cidre, Pommard, Calvados 8 ans d’âge, Livarot, Camembert, Pavé d’Auge, Pont l’Evêque.
Ils n’hésitent pas à acheter, ce sera un bon souvenir de cette belle journée.
Promenade en petit train sur les hauteurs de Honfleur, les prairies sont grasses, c’est vraiment charmant au petit matin.
Vive le déjeuner gastronomique. Oui, je suis assise à une table ronde pour dix, dans une grande salle, entourée de 200 seniors. Et je m’y trouve très bien.
Un Normand costumé nous anime avec un accent canadien. Monsieur le Maire se déchaîne, sourit, il passe à toutes les tables, embrasse l’un et l’autre, connaît chacun par son prénom.
Le karaoké est un grand succès, « hissez haut, Santiano.. », « J’irai revoir ma Normandie… »
Apéritif normand, cuisse de canard, trou normand, fromages, tarte normande version crumble, cidre, vin…tout est exquis !
Les assiettes se vident, les seniors ont un bon appétit.
Si ça me plait ? mais sûr que je suis bien dans cette grande salle ou tout le monde est joyeux !
J’observe le manège des serveurs, c’est un exploit d’arriver ainsi à servir, débarrasser, resservir, redébarrasser… sans aucune attente entre les plats… un tour de force !
L’escapade à Honfleur n’est pas terminée…
Passage au Naturoscope, admirer les papillons tropicaux.
Les Seniors écoutent avec intérêt et admiration les prouesses sexuelles du papillon, avant d’entrer dans la serre pour les contempler d’un œil averti.
Attention au changement de température et d’hygrométrie, santé fragile, s’abstenir.
Et le bouquet final, la promenade en bateau sous le Pont de Normandie.
Passage de l’écluse : les vieux s’émerveillent plus que des enfants, ils en observent attentivement le fonctionnement.
Le Pont de Normandie !!! Les vieux sont fiers d’être Français… le pont a résisté à la tempête de 2000…et les tonnes de béton… et la longueur et la largeur et la hauteur…. Il y a de quoi être fier, comme du TGV.
Dommage, la promenade est finie.
Et voilà, je m’en doutais, ça devait bien arriver : une Seniorette trébuche et tombe : un genou couronné, une petite plaie à la racine du nez, ça saigne toujours à cet endroit là…Y -a-t il un médecin dans les parages???